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Systémique
Pourquoi
une approche systémique ? La réponse est simple.
Pouvoir comprendre le TOUT sans nécessairement devoir
comprendre l'impossible détail des parties. Celles-ci sont en
effet infinies, et, partant, demandent une infinité de
spécialistes sur
fond d'infini débat. Si bien qu'à la limite le monde
peut partir en quenouilles avant d'entrevoir le début d'une
possible compréhension. Pour que les arbres ne cachent pas la
forêt, pour que les mondes
ne cachent pas le monde, le recours à la systémique
devient incontournable.
Le
monde est un Tout.
Et ce tout n'est jamais simplement la
somme des parties. Il est émergence nouvelle et originale. Une
question comme celle-ci: 'monde, où vas-tu?' ne saurait donc
se confondre avec la question tellement plus facile: 'composantes du
monde, où allez-vous?' !
Face
aux dérives. Notre approche va contre des dérives
de toujours, mais aujourd'hui encore plus fallacieuses. Premièrement,
la dérive idéologique, spécialement sous
ses espèces du kitsch 'moralisant'. Celle-ci fait fi du 'réel'
pour se complaire dans des constructions 'idéelles' garantes
d'euphories émotionnelles. Deuxièmement, ce qu'on
peut appeler la 'philosophie du boutiquier'. Ce positivisme de la
boutique gère les ingrédients tenus en stock comme si
eux seuls importaient et se suffisaient. Il considère tout le
reste en fonction des calculs de cette gestion. Tel est en général
le monde des 'spécialistes' ou autres 'experts' en 'ceci' ou
en 'cela' qui sans cesse clament de nouvelles perspectives et sans
cesse se trompent lamentablement. Enfin, sur le plan d'une praxis,
sans l'approche systémique, une réelle stratégie
est impossible. Reste seulement une
prolifération d'éphémères
tactiques.
Système.
Pour comprendre les réalités
vivantes il ne faut pas penser ‘structure’. Il faut
penser ‘système’.
‘Système vivant. Une ‘structure’, celle du
cristal par exemple, tient dans la clôture
de sa géométrie
chimique. Un ‘système vivant’, par contre, ne
survit que dans l’ouvert. Depuis ses formes les plus
simples jusqu’aux plus complexes, de proche en proche en
emboîtement interactif avec l’ensemble de la vie, avec
l’ensemble de la ‘nature’, avec l’ensemble de
l’écosystème, avec l’ensemble du cosmos.
Ici les ‘contenus’ ne sont pas des ‘choses’
isolables. Ce sont des réalités vivantes. Organiques.
En interdépendance. En inter-réaction. En
interrelation. Impossible de soigner un organe sans soigner le corps
tout entier et, surtout, sans soigner l’environnement
de ce corps. 1
- Chaque système, quelle que soit sa
complexité, sa taille ou sa situation au milieu d'autres
système, fonctionne,
en tant que système, de façon
identique. 2
- Il suffit donc de connaître
le fonctionnement d'un quelconque système pour les comprendre
tous. 3
- N'importe quel système peut
donc être pris comme 'modèle'.
Intelligibilité
du complexe. Un ensemble interactif
de micro-systèmes bouclés les uns sur les autres peut
former un système plus complexe. Il n’y a théoriquement
pas de limite à la complexification. Chacune des trois
‘ouvertures’ d’un système peut se brancher
sur celles du système voisin, et ainsi de suite, de proche en
proche, d’unité systémique minimale vers la plus
grande unité systémique souhaitée.
Fonction.
Du plus simple micro-système
au plus complexe des macro-systèmes, et quel que soit son
degré d’emboîtement systémique, c’est
la fonction qui
caractérise un système. Et ces fonctions peuvent être
d’une incroyable diversité.
Boîte
noire. Le système en lui-même avec son
fonctionnement interne et toute la complexité de ses
articulations peut être considéré comme une
'boîte noire'. Le terme dit sa 'mystérieuse'
complexité. Il dit aussi que cette 'boîte' peut rester
obscure sans pour autant obscurcir l'intelligence du 'tout'. Son
'contenu' peut donc demeurer dans l'ombre. Mais absolument pas
son environnement 'contenant', c'est-à-dire sa fonction,
ses entrées et
ses sorties.
Contenant et
contenus. L'approche
systémique ne porte pas sur les contenus mais sur le
contenant, à savoir un espace
dynamique avec ses entrées
et ses sorties. Cette approche
est d'une extraordinaire fécondité. Elle est centrée
sur le `tout'. Ici l'intelligence du tout
précède et conditionne
celle de la partie. L'intelligence de l'englobant précède
et conditionne celle de l'englobé. Les parties se comprennent
dans et à partir de ce tout.
Comprendre
le tout. On peut donc comprendre le tout
sans nécessairement comprendre
les éléments de
ce tout. Il est ainsi possible de mettre entre parenthèses
les 'contenus'. C'est en effet le 'contenant' qui donne
l'intelligibilité.
Organisation.
Ce qui d’un ensemble fait fondamentalement un système,
c’est son organisation. Le
système ne se comprend pas à partir de ses éléments
constitutifs, ni des liaisons entre ces éléments, ni
même des interactions entre ces liaisons, mais essentiellement
en fonction de ses spécificités organisationnelles.
C’est en tant qu’organisé, et en tant qu’organisé
seulement, que le système est rebelle à la réduction
en ses éléments et transcende la juxtaposition
quantitative de la multiplicité et de la diversité qui
le compose. Dans cette unité complexe organisée le
tout est toujours plus que la somme des parties, l’organisation
leur conférant en quelque sorte un supplément d’être,
de fonctionnement et d’action incommensurable aux parties
seules. Mais déjà la partie y est plus que la partie.
Le tout organisé est émergence nouvelle.
Atome
de structure d’un système.
Un micro-système non bouclé.
Sa plus simple expression est celle d’une ‘vanne’
électronique, un transistor, par exemple. Il a trois portes:
une entrée, une sortie et une ligne de commande. On applique
une grandeur physique à l’entrée. Une autre
grandeur physique apparaît à la sortie en fonction
de la grandeur physique appliquée.
Entrée, sortie et ligne de commande sont donc comme trois
portes qui ouvrent le système sur un ‘extérieur’.
Fonction.
Du plus simple microsystème
au plus complexe des macrosystèmes, et quel que soit son degré
d'emboîtement systémique, c'est la fonction
qui caractérise un système. Et ces
fonctions peuvent être d'une incroyable diversité.
Emboîtement hiérarchique
de multiples systèmes. La
fonction du système `englobé' se détermine
chaque fois par la fonction du système plus 'englobant'.
Ainsi, par exemple, la fonction d'une usine d'automobiles est de
produire des voitures vendables. Un tel système régit
une multitude d'autres systèmes subordonnés, dont la
fonction est de produire des pneumatiques, des projets, des circuits
électroniques, des études de nouveaux modèles,
des culasses de moteurs, etc. Mais cette usine est elle-même en
interaction avec d'autres systèmes, encore plus 'englobants',
comme le marché international, la mentalité des humains
face à l'automobile, la production énergétique,
etc.
Programme. C'est
le programme qui représente la fonction complexe du
système. Un flux, qu'il soit matériel, énergétique
ou informationnel, entre dans le
système, subit une transformation commandée par la
fonction et se trouve ainsi transformé à la
sortie. La nature, la forme, la quantité de l'entrée
et de la sortie dépendent de la complexité du système
et de la nature, de la forme ou de la variété des flux.
La valeur 'fonction' implique toujours l'équivalent d'un
programme dont la complexité dépend de la complexité
de la fonction elle-même. Ce programme peut être
invariable et le système est alors considéré
comme programmé. Il peut aussi être variable selon les
nécessités du moment et lui venir chaque fois du
dehors, par une des entrées. Le système est alors dit
programmable.
Modélisation.
L'intelligibilité 'systémique'
fonctionne par modélisation. On commence par avoir
recours au modèle de fonctionnement qu’est la ‘machine’.
Seulement il s’agit ici d’une machine non-mécaniste.
Une autre machine.
Une machine de type cybernétique avec ses interactions
auto-gouvernées.
Paradigme. Les
réalités spirituelles se comprennent à travers
le paradigme des réalités naturelles et matérielles.
Il faut commencer par réfléchir sur ce qu'est un
écosystème et comment il est menacé de mort
lorsque lui est refusée l'ouverture. L'écosystème
est clos par rapport aux éléments. C'est
dire qu'il fonctionne avec une quantité finie de
possibilités matérielles. L'écosystème
doit équilibrer son bilan. Par contre il est ouvert par
rapport à l'énergie. Entre source chaude de
l'énergie résiduelle du `Big Bang' et puits froid du
'Fond Noir' de l'espace il y a une différence de potentiel.
C'est elle qui fait fonctionner l'écosystème. A
l'entrée il y a l'énergie reçue par le soleil,
par la gravité et par l'énergie interne du globe. A la
sortie il y a l'énergie dégradée en chaleur
irrécupérable. Entre les deux, l'énergie
utilisée. Les processus géologiques, biologiques et
climatologiques fonctionnent dans l'interaction systémique de
l'atmosphère, de l'hydrosphère, de la lithosphère
et de la biosphère. Le flux d'énergie est
irréversible mais inépuisable (jusqu'à la fin du
monde!). Par contre, les éléments chimiques sont en
nombre fini et leur recyclage est limité par le temps. Le
recyclage est la base du fonctionnement de l'écosystème
et de la régulation de son équilibre. Grâce à
ce principe d'économie une quantité finie de matière
est destinée à un renouvellement indéfini et à
une créativité sans fin. En d'autres termes,
l'écosystème s'interdit toute 'folie'.
Réservoirs.
La biosphère fonctionne en interaction avec les grands
réservoirs dynamiques que sont l'atmosphère,
l'hydrosphère et la lithosphère. La régulation
interactive entre les différentes `sphères' est d'une
incroyable complexité. Les régulateurs jouent à
des rythmes très variables. Les grands réservoirs
limitent les variations brusques grâce à leur 'effet
tampon'. Tout concourt à l'équilibre homéostatique
du système.
Le système
renvoie au système. Le système ne renvoie pas à
la partie élémentaire. Il y a comme un
emboîtement interactif des
systèmes des plus petits aux plus grands. Entre le plus petit
micro-système possible et la totalité du macro-système
cosmique, ‘un’ système est chaque fois un ensemble
qui fonctionne à partir d’autres ensembles dans un plus
grand ensemble. Ainsi la nature: une solidarité de systèmes
enchevêtrés, un tout polysystémique. A chaque
niveau systémique, il y a ainsi une entrée et une
sortie en liaison interactive avec les entrées et les sorties
des autres systèmes, englobés et englobants, pour
l'incessant échange des flux d'alimentation, d'élimination,
d'information, de régulation, de programmation...
Ecosystème.
L'espace total de l'humain, la grande
'maison' – oïkos en
grec – qui loge les systèmes de notre terre en unité
interdépendante et en interaction s'appelle écosystème.
L'oïkos total des systèmes. L’englobant système
des systèmes.
Ecologie.
L’écosystème appelle une écologie.
C’est-à-dire le ‘logos’ invité en
notre ‘oïkos’. C’est-à-dire la raison
invitée en notre maison. Celle-ci vient lorsque nous prenons
conscience que nos puits sont obstrués et nos sources
polluées. Elle vient lorsque les flux énergétiques
se font insuffisants et que les réservoirs se vident. Elle
vient lorsque les éboueurs ne suffisent plus à la
tâche. Elle vient lorsque nous nous sentons vivre au-dessus des
possibilités d’approvisionnement et de recyclage de
notre terre. Elle vient et nous force à réfléchir
sur nos clôtures et nos nécessaires ouvertures.
Energie.
Le spécifique humain ‘fonctionne’ comme
tout ce qui est vivant dans la logique des systèmes ouverts,
entre une source chaude et un puits froid. Source chaude de l’énergie
spirituelle. Puits froid de la béance de l’humain. Entre
les deux, une grande différence. Ou une grande
indifférence !
Il y a également les accumulateurs d’énergie
spirituelle. Bien chargés. Ou bien à plat...
Energie
spirituelle. Bien que d'un autre ordre, la réalité
spirituelle telle que l'humain peut l'appréhender, ne quitte
pas le sein de la nature. Il doit donc être possible
d'appréhender son fonctionnement sur le modèle de celui
des réalités matérielles. D'où le très
grand intérêt de passer par l'intelligibilité de
la systémique spirituelle. L’énergie
spirituelle ne ‘fonctionne’ pas différemment de
l’énergie tout court. Les raisons profondes de sa vie et
de sa mort sont de l’ordre de l’entropie et de la
néguentropie. Le paradigme thermodynamique les met en lumière.
Entre déclins et renaissances. Entre fatigue et vitalité.
La dégradation de l’énergie spirituelle. Les
ressourcements prophétiques d’une ‘foi’
commune. Les capteurs bien ou mal orientés. Les réservoirs
vides ou pleins. Les recyclages possibles ou impossibles. La vitalité
ou les renaissances impliquent haute énergie spirituelle et
grande dynamique néguentropique. Les déclins prennent
la pente en sens inverse. Mortelles in-différences !
Puits
froid. Dis-moi ton puits froid et je te dirai la force qui
t’habite. La 'source chaude' reste stérile tant
qu'elle ne rencontre pas, en face d'elle, un 'puits froid'. Car
l'énergie est fille de la différence de
potentiel entre les deux.
Pourquoi le
sens meurt-il ? La
réponse est obvie. Le sens meurt lorsque l’énergie
se dégrade par manque de différence de potentiel. Très
concrètement, lorsque les défis ne
sont plus relevés. Mortelles in-différences !
Entropie.
Pourquoi le ‘mouvement perpétuel’ est-il
impossible ? Pourquoi un système ne peut-il fonctionner
indéfiniment dans sa clôture ? En 1850, Carnot et
Clausius ont énoncé le second principe de la
thermodynamique. Depuis nous savons que toute énergie –
et qu’est-ce qui n’est pas ‘énergie’
dans notre univers ? – est soumise à son inexorable
dégradation. Une sorte de ‘faille originelle’ dans
l’être même de notre monde.
Dégradation
irréversible. En
prenant forme calorifique – passage obligé de toute
énergie qui se fait ‘utile’ – l’énergie
ne peut plus jamais revenir en sa forme première. Elle perd
une partie de sa capacité d’effectuer du travail. Cette
dégradation est irréversible. Cela veut dire
concrètement qu’un système clos, où
l’énergie est obligée de se recycler pour ainsi
dire en ‘vase clos’, tend vers un équilibre
thermique qui signifie sa mort. Cette dégradation s’appelle
‘entropie’. L’entropie affecte le temps d’un
indice de dégradation, de dispersion et de mort. Tout effort
de création et de développement se paye en entropie.
Aucun système ne peut se régénérer dans
sa clôture. L’ensemble de notre univers considéré
comme un super-système clos va progressivement se
désorganisant jusqu’à sa mort inéluctable.
Clausius l’étendra à l’ensemble de
l’univers considéré comme un super-système
clos qui va, progressivement, se désorganisant jusqu’à
sa mort inéluctable.
Le principe
de la dégradation de l’énergie
se généralise très
vite en principe de dégradation de l’ordre. En 1877,
Boltzmann montre que la chaleur n’est en fait que l’énergie
propre aux mouvements désordonnés des molécules
au sein d’un système. Un accroissement de chaleur
signifie un accroissement d’agitation désordonnée.
C’est le désordre qui caractérise la forme
calorifique de l’énergie et explique la dégradation
de son aptitude au travail. L’entropie s’identifie dès
lors au désordre. Elle est dégradation de l’ordre. En
termes de probabilité statistique, les configurations
moléculaires sont d’autant plus probables qu’elles
sont plus désordonnées et d’autant moins
probables qu’elles sont plus ordonnées. Le désordre,
la désorganisation, l’entropie, s’identifient avec
la plus grande probabilité physique pour un système
clos. L’ordre est non seulement dégradable mais
improbable ! A l’opposé de la science classique,
l’ordre est devenu problématique. Nous savons
aujourd’hui que l’information, elle aussi, se
dégrade inexorablement à travers ses lignes et ses
réseaux, guettée par le ‘bruit'.
Le
démon de Maxwell. L'entropie est 'naturelle' descente.
N'y a-t-il pas de 'remontée' ? Pour désigner une
telle contrepartie de l'entropie on a forgé le concept de
`néguentropie'. Celle-ci, cependant, contrairement à
l'entropie, ne va pas de soi. Elle est tâche
laborieuse. Comment vaincre
l'entropie ? Le savant Maxwell invente pour cela un `démon'.
Soit un récipient dans lequel règne l'équilibre
thermique, c'est-à-dire l'entropie maximale. Il faut diviser
ce récipient en deux parties, appelées respectivement
'chaude' et `froide', grâce à une séparation
étanche munie seulement d'un clapet. Le démon doit
surveiller l'agitation au hasard des molécules et ouvrir
chaque fois le clapet pour laisser passer dans la partie `chaude' une
molécule rapide qui se présenterait du côté
`froid' et pousser dans la partie `froide' une molécule lente
qui se présente du côté `chaud'. Peu à peu
toutes les molécules lentes se trouvent dans la partie
`froide' et toutes les molécules rapides, dans la partie
'chaude'. Rétablir une telle différence de
potentiel signifierait incontestablement la victoire sur l'entropie.
Mais quel serait le prix d'un tel travail ? En vertu du second
principe de la thermodynamique la dépense d'énergie
nécessaire serait supérieure à celle qu'on
gagnerait! Imaginons cependant ce démon infatigable et d'un
dévouement sans limite. Soit. Seulement l'existence même
d'un tel être est d'une extrême improbabilité !
Et, dut-il exister, pour produire de la néguentropie à
l'intérieur du système clos que constitue le récipient,
le démon ne pourrait pas ne pas créer de l'entropie
en-dehors de lui, c'est-à-dire dans l'ensemble du système
environnant. Le système 'récipent-démon-environnement'
reste piégé. Il ne peut échapper à
l'entropie. En fait, pour produire de la néguentropie à
l'intérieur du système clos que constitue le récipient,
le démon crée nécessairement de l'entropie
en-dehors de lui, c'est-à-dire dans l'ensemble du système
environnant. Le système récipent-démon-environnement
ne peut pas ne pas sacrifier à l'entropie.
Différence
de potentiel. Un système
vivant
ne peut fonctionner qu’en étant
ouvert sur
des échanges. Il ne survit qu’avec portes et fenêtres,
c’est-à-dire avec des entrées
et des sorties. Les
grandes entrées et les grandes sorties, celles qui ‘branchent’
un système sur ses flux vitaux d’énergie, de
matière et d’information, peuvent s’appeler
‘source chaude’ et ‘puits froid’. Il ne peut
y avoir de dynamique systémique que s’il existe entre
source chaude et puits froid une différence de potentiel.
Système de l'humain.
La réalité et le fonctionnement de
l'humain peuvent être considérés comme
systémiques à l'image de n'importe quel système
organique vivant. Il fonctionne selon le paradigme de tout `système'
doué d'une entrée, d'une sortie et d'une
fonction, en interaction avec d'autres systèmes
englobés ou englobants. Avec des frontières qui
marquent vitalement la différence entre un `dedans' et un
`dehors', entre une `clôture' et une 'ouverture'.
Ouverture.
Cette essentielle ouverture ne se nie que sous peine de
mort. Un système peut certes fonctionner en clôture.
Mais seulement pour un temps. Toute autonomie est ici fonction
de réserves disponibles. Un système ne peut se fermer
que s'il a des réservoirs garnis et des possibilités de
recyclage interne de ses déchets.
L’énergie
spirituelle est fille de la différence. Elle
fonctionne entre une
source chaude et un puits froid. Sa dynamique est fonction de cette
différence de potentiel. Plus elle est grande, plus le
sens est pertinent.
Entre Source chaude
et Puits froid. Une grande philosophie, par exemple, est celle
dont les concepts essentiels fonctionnent sur une différence
de potentiel importante. Il en va de même pour les religions,
les systèmes de salut, les projets politiques, etc. La
source chaude se situe face au puits froid comme le plein face au
vide, le haut face au bas, le positif face au négatif. Elle
est de l’ordre de la néguentropie
face à l’entropie.
En fait il s’agit de concepts dialectiquement antithétiques.
La source chaude n’est qu’en
face d’un puits froid. Le puits froid n’est
qu’en face d’une source
chaude. Ce qu’est concrètement la source chaude et le
puits froid de l’énergie spirituelle de l’humain
et comment joue le face-à-face de l’entropie et de la
néguentropie se dévoilera progressivement au cours de
notre démarche.
Le puits froid du sens n’est pas
‘négatif’ de façon absolue. Que serait la
vie de l’esprit, par exemple, s’il n’y avait pas de
questions ? Et que serait une question qui ne reposerait pas sur un
vide, en l’occurrence un vide de savoir, une ignorance ? La
dynamique de la recherche et de la connaissance ont autant besoin
d’un vide que d’un plein. Il n’en va pas autrement
avec le moteur de l’action humaine qui ne tournerait pas sans
le désir. Mais qu’est fondamentalement le désir
sinon un manque qui appelle un plein ? Dis-moi ton puits froid et je
te dirai la force qui t’habite.
Ouverture.
Le système en tant que système n’est clos
qu’à la limite. Limite inférieure de la simple
structure. Limite supérieure de la totalité. Entre les
deux, c’est l’ouverture qui caractérise le
système. Un système n’est clos que dans son
‘isolement’, dans son insularité factice
d’abstraction. Mal toujours nécessaire puisque pour
pouvoir être étudié et compris, ‘un’
système, quel que soit son niveau d’intégration
dans la totalité systémique et son degré de
possible relative autonomie, doit être abstrait de cette
totalité et considéré en lui-même, pour
ainsi dire dans sa ‘clôture’. L’intelligibilité
d’un système passe nécessairement par là
et, partant, exige un supplément d’intelligence qui
commande de faire en même temps abstraction de cette
méthodologique ‘clôture’.
Le
système humain peut-il fonctionner en clôture ? Une
certaine modernité se constitue progressivement en bouclant le
règne de l'humain sur lui-même. Le système tout
entier veut fonctionner en clôture. Pour la première
fois depuis que l'homme existe, un système culturel prétend
se fermer en absolue autonomie. C'est en autosuffisance qu'il veut
fonctionner et progresser. C'est par auto-création même
qu'il veut être. Cela veut dire que, désormais, il croit
se faire créateur de l'unique source chaude de toute son
énergie spirituelle. Le sens total enfermé en
immanence. En totale finitude. Dans le complet oubli de son entropie
et de sa nécessaire néguentropie. Dans l'oubli de son
`puits froid'. Dans l'oubli, également, de ses accumulateurs
non complètement déchargés et sans lesquels ses
prétentions elles-mêmes d'autonomie se liquéfieraient
dans le néant. Par quel miracle l'humain bouclé sur
lui-même ne succomberait-il pas à son entropie ?
Notre modernité vit dans l'illusion d'un tel miracle.
Obnubilés par notre possible sans aller jusqu'aux raisons
profondes de ce possible nous croyons que l'humain est à
lui-même sa propre source chaude. Pourquoi l'homme, fabricateur
d'outilité, fabricateur de texture, fabricateur de texte, ne
serait-il pas aussi fabricateur de ce qui lui vient d'ailleurs, par
grâce ?
L'homme peut-il se
donner à soi-même sa source chaude ?
Ce qui est remarquable c'est que
toutes les cultures, à l'exception de la culture moderne,
fonctionnaient ou continuent de fonctionner avec une source chaude
puissante et avec des accumulateurs de sens bien chargés.
Source chaude puissante de signifiants absolus: Dieu, l'Etre, le
Cosmos, la Nature, l'Ordre, les Valeurs... Accumulateurs de sens bien
chargés: la tradition-transmission d'un donné
signifiant et signifié important.
Homéostasie.
Toutes ces cultures fonctionnent en
homéostasie avec l'écosystème du sens. Et
jusqu'à leur déclin, la néguentropie signifiante
défie victorieusement la fatalité entropique de la
dégradation du sens. Il s'agit ici non pas de tel ou tel sens
particulier mais du sens total, en quelque sorte le sens du sens,
le sens de tout sens possible, la donation radicale du sens, le champ
fertile du sens ou encore la "vitalité" du sens en
général.
Schizoïdie.
La schizoïdie anthropocentrique par laquelle la modernité
accède à elle-même boucle l'autonomie en clôture
totale dans le grand enfermement de l'humain sur l'humain. Pour la
première fois depuis que l'homme existe, le système
anthropogène se met à fonctionner en stricte clôture.
C'est-à-dire en se mettant à réchauffer
continuellement lui-même la source chaude de son sens et de ses
significations. Et partant à recharger aussi par lui-même
et à partir de lui-même ses accumulateurs sémantiques.
Mortelle indifférence... Le
sens, fils de la différence, fonctionne entre une source
chaude et un puits froid. Sa dynamique est fonction de cette
différence de potentiel. Plus elle est grande, plus le
sens est pertinent.
Pourquoi
le sens meurt-il ? La
réponse est obvie. Le sens meurt lorsque l’énergie
se dégrade par manque de différence de potentiel.
Très concrètement, lorsque les défis
ne sont plus relevés.
Mortelles in-différences !
Accumulateurs.
Aucun système ne peut fonctionner avec des
accumulateurs à plat. Le ‘système’ humain
moins que tout autre. Dans le fonctionnement ‘systémique’
du sens, entre Source chaude et Puits froid., les réservoirs
du sens tiennent une place particulièrement importante. En
effet, même si la Source chaude venait à perdre de son
énergie, le ‘moteur’ du sens peut continuer à
tourner, au moins durant un certain temps. A condition que les
réservoirs ne soient pas vides. C’est parce que ses
réservoirs d’énergie spirituelle et de ressources
d’humanité ne sont pas vides et restent malgré
tout encore ‘branchés’ sur la source chaude que
l’humain est capable de traverser sans mourir des espaces
désertiques où le sens s’étiole et où
l’absurde prolifère. Mais si les réserves
s’épuisent ? Les réservoirs
d'énergie spirituelle prennent une importance capitale dans le
fonctionnement 'systémique' du Souffle, entre Source chaude et
Puits froid. Même si la Source chaude venait à perdre de
son énergie, le moteur peut continuer à tourner, au
moins durant un certain temps. A condition que les réservoirs
ne soient pas vides.
Réserves
de sens. Jusques en ses extrémistes clôtures en
finitude, la modernité ne cesse, effectivement, de participer,
souvent malgré elle, et plus inconsciemment que consciemment,
à quelque 'transcendance'. Sans ce subterfuge elle ne saurait
survivre longtemps sans succomber à l'asphyxie. Ainsi la
rupture avec la source chaude n'est jamais consommée. Et
surtout les accumulateurs ne sont jamais complètement
déchargés. Même l'absurde le plus radical ne
succombe pas à sa propre logique parce que ne sont pas encore
à plat les puissants accumulateurs d'énergie
sémantique. Spécialement la judéo-chrétienne
signifiance. Plus qu'elle n'ose se l'avouer à elle-même,
notre monde moderne fonctionne malgré tout, même par
subreptice participation, sur une formidable réserve de sens,
véritable capital d'énergie spirituelle constitué
au cours de l'histoire occidentale. Constitué notamment durant
ces longues périodes que nous avions crues obscures et qu'une
plus saine écologie du sens commence à nous
faire reconsidérer aujourd'hui. Car nos audaces
d'aujourd'hui ne fonctionneraient pas sans cette formidable réserve
de sens, véritable capital d'énergie spirituelle
constitué au cours des siècles d'intense vie
spirituelle de l'histoire occidentale. Constitué notamment
durant ces longues périodes que nous avions crues obscures et
qui étaient en fait les hivers écologiques où,
imperceptiblement, sûrement, germaient les moissons à
venir. Ce n'est que pour un temps seulement que le système
peut ainsi se donner l'illusion de tourner quand même. Parce
que les élans se prolongent par inertie cinétique.
Parce que les réservoirs ne sont pas encore vides! Mais
inexorablement joue l'entropie. Mortelle.
Mortelles
illusions. La méconnaissance de l’importance des
réservoirs du sens peut entretenir de fallacieuses illusions.
Celle, entre autres, de croire à une ‘génération
spontanée’ du sens là où c’est en
fait le sens ‘accumulé’, peut-être durant de
longs siècles précédents, qui continue
d’alimenter la différence de potentiel et
d’empêcher ainsi – pour combien de temps ? –
l’asphyxie.
Pourquoi
ça fonctionne encore. C'est
parce que ses réservoirs d'énergie spirituelle et de
ressources d'humanité ne sont pas vides et restent malgré
tout encore 'branchés' sur la source chaude que l'humain est
capable de traverser sans mourir des espaces désertiques où
le sens s'étiole et où l'absurde prolifère. Mais
si les réserves s'épuisent ? Si les canaux sont
laissés à l'abandon ? L'humain peut-il survivre
indéfiniment coupé de sa source chaude ?
Inertie
cinétique. Ce n'est que pour un temps seulement que le
système peut ainsi se donner l'illusion de tourner quand même.
Parce que les élans se prolongent par inertie cinétique.
Parce que les réservoirs ne sont pas encore vides! Mais
inexorablement joue l'entropie. Mortelle.
Porteurs de sens. Toute culture, collective ou personnelle, accumule des réserves de sens sous des formes très diverses et complémentaires. Il suffit d'en évoquer ici quelques-unes. Ainsi la masse des 'coutumes' et des 'traditions' d'une famille ou d'un peuple. Les 'valeurs' transmises de génération en génération. Les 'monuments' laissés par l'histoire. Les 'modèles' d'action et de comportement. Les `pourvoyeurs de sens' que sont les `sages', les `héros' ou les `saints'. Les `œuvres' d'art et leur rayonnement esthétique. Les `paysages' qui inspirent...
Péché
contre l'écosystème du souffle. Nous qui,
désertant la maison du Père, nous voulions maîtres
de l’universel, nous nous sommes retrouvés clochard des
insignifiances. Notre péché contre l'écosystème
du souffle a été de nier son essentielle
ouverture. Nous avons cru pouvoir le faire fonctionner en clôture,
crispé sur lui-même, bouclé en schizoïde
autonomie autoproductrice. Nous nous voulions maîtres et
possesseurs du système total lui-même. Bien plus,
maîtres et possesseurs aussi de sa source chaude et de son
puits froid. Maîtres et possesseurs, donc, de toute sa
différence de potentiel, c’est-à-dire de toute
son énergie spirituelle créatrice.
Pourquoi
les civilisations meurent-elles ? Lorsqu’elles
s’essoufflent... La
raison n’est pas différente de celle qui préside
à la mort de n’importe quel système vivant. Elle
s’énonce de façon très simple. Un
vivant meurt lorsqu’il se ferme et, en se fermant, perd sa
différence de potentiel et succombe ainsi à son
entropie.