Entre présence et absence
Quarante jours après sa mort et sa résurrection Jésus se
retrouve sur la montagne avec les disciples. C'est le départ.
Un départ incroyablement bref... Jésus ne répond
même pas explicitement à la question: "Est-ce
maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël
?" (Actes 1,6). Quelle question pourtant !
Elle révèle la méprise totale. Ils n'ont encore
rien compris...
Raisonnablement
il ne fallait pas partir, ou pas si vite, ou du moins pas tout de
suite. Jésus part quand même... Comme si nos difficultés
ne comptaient pas. Il nous laisse sur nos questions. Il nous
abandonne à nos doutes.
Aujourd'hui
le départ du Christ reste toujours de grande actualité.
Spécialement en notre Occident, dans notre espace social et
culturel. Pour beaucoup le Christ est bien parti. Sans nostalgie,
sans questions et même le doute se fait silence.
Restent
les petits cercles. Ils ne sont pas sans questions et immunisés
contre le doute. Souvent
tentés par les sacristies. Pourquoi restez-vous là à
regarder le ciel ? (Actes 1,11). ― Allez...
(Matthieu 28,19). Sortez de vos chapelles.
N'oubliez pas qu'il y a une mission.
Deux
promesses
Jésus
part. Mais sur deux promesses; "Vous allez recevoir une force,
le Saint Esprit. (Actes 1,8). Et: Vous n'êtes
pas seuls... "Moi je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à
la fin du monde." (Matthieu
28,20).
Le Saint Esprit viendra
sur vous. Les Actes des Apôtres, cet Evangile du Saint Esprit,
écriront les premiers chapitres de son action. Et l'Histoire,
ensuite, la continuera jusqu'à la fin des temps.
Je
suis avec vous... "Je suis", c'est le nom même que
notre Dieu, Yahwe, se donne dans sa rencontre avec Moïse,
dans le désert, à travers le buisson ardent. Je suis
toujours avec toi. Le Leitmotiv de l'Alliance et de l'Exode. Plus
vraie encore dans la Nouvelle Alliance et dans la nouvelle aventure
de l'infini exode, la longue marche de la foi, hors des boucles
sécuritaires, à travers incertitude et risque.
Présence
et Absence
Nous
existons 'entre'. Entre la positivité d'une présence et
la négativité d'une absence. Nous existons dans la
différence. Nous n'existons pas dans l'IN-différence
!
Cette
différence est dynamique. Il s'agit d'une différence de
potentiel énergétique entre une Source chaude et un
Puits froid. Selon le paradigme de la thermodynamique. L'énergie
spirituelle ne fonctionne pas autrement.
L'énergie
vient d'une différence, mais d'une différence qui se
rencontre. Le potentiel énergétique de la Source chaude
lui vient de sa rencontre avec un Puits froid, de même que le
courant électrique n'existe qu'en mettant en contact le pôle
négatif et le pôle positif de la pile.
Platon
a bien vu que l'amour était fils d'abondance et de manque.
Assez de manque pour qu'il puisse y avoir désir. Assez
d'abondance pour que ce désir puisse être.
Il
en va ainsi de toutes les valeurs. Que veut dire foi sans incroyance
en face ? L 'espérance n'est pas sans possible désespérance.
Sur fond de rouge le rouge s'évanouit.
L'Esprit
de Dieu lui-même, l'Esprit de la Pentecôte, ne peut venir
en force que là où il n'y a pas d'encombrements.
L'Esprit Saint, dit Johan Tauler, fait deux choses en l'homme:
premièrement il le vide; deuxièmement il remplit ce
vide dans la mesure où il le trouve.
La
force de l'Esprit de la Pentecôte se déploie dans
l'absence visible du Christ. Il faut que je m'en aille. Car
l'absence est appel. A sa manière elle est croissance
de la présence. Elle purifie l'amour en l'intensifiant.
La
foi... l'expérience du Christ présent absent.
Une
béance pour l'Autre
Toute
la nuit j'ai cherché celui que mon coeur aime. Je l'ai
cherché, je ne l'ai pas trouvé ! Avez-vous vu celui que
mon coeur aime ? (Cantique 3)
Pascal
l'avait bien vu. Il y a assez de présence pour croire. Il y a
assez d'absence pour ne pas croire. La raison incapable de décider.
Toute la théologie du monde bégaye sur cet entre-deux.
L'utilité de l'intelligence n'est que celle d'une
propédeutique, importante, certes, comme cette fonction de
Jean le Baptiste préparant les chemins...
La
brûlure de la présence vient de toi. De ton coeur. Comme
les disciples d'Emmaus, le soir de Pâques. Notre coeur
n'était-il pas tout brûlant... ? Comme
Jean reconnaissant l'inconnu au bord du lac: C'est le
Seigneur...